Pourra-t-on un jour se baigner dans la Seine ?

BAIGNADE. Jacques Chirac nous l’avait promis en 1988 : « dans cinq ans, on pourra à nouveau se baigner dans la Seine ». Mais près de vingt-cinq ans plus tard, toujours pas l’ombre d’un tuba ni même d’un maillot de bain dans la Seine.Pourquoi ?

La baignade à Paris est interdite depuis 1923. (Groume/ Flickr’)

Barboter dans la Seine. Un doux rêve que partagent la plupart des Parisiens. Mais selon les normes en vigueur, la Seine serait trop polluée pour se baigner au pied de la tour Eiffel sans risque. Car entre les pesticides, les chasses d’eau ou encore les reliques de soirées bien arrosées tapissant le fond du fleuve, seules quelques truites à la nageoire intrépide ( et même pas comestibles) osent s’y aventurer.

Et pourtant, à Paris, une multitude d’organisations se partagent la protection et la sauvegarde de notre Seine bien aimée. Nous leur avons donc posé la question : quand pourra-t-on enfin piquer une tête dans la Seine après avoir fait bronzette toute la journée sur le sable artificiel de Paris Plage ?

Baignade interdite, à qui la faute ?

Le bassin de la Seine concentre à lui seul 30% de la pollution française. Sur les 776 kilomètres de son cours, ses eaux croisent des terres agricoles gorgées de pesticides, des centrales nucléaires, plus de la moitié des usines françaises de pétrochimie, et de nombreux habitants. Mais grâce aux efforts des nombreuses stations d’épuration de la région, la Seine a retrouvé de sa superbe ces dix dernières années.

Et la nouvelle est assez bonne. Les interlocuteurs contactés nous l’annoncent d’entrée : les poissons sont de retour ! « La Seine n’a pas connu une telle qualité de l’eau depuis plusieurs siècles. Nous avons réussi à maîtriser les pollutions physico-chimiques, explique Jean Pierre Tabuchi, chargé de mission au Service public de l’assainissement parisien (SIAAP), mais il reste le problème de la pollution micro-biologique .»

Quels sont les risques ?

Symboles de la vitalité des cours d’eau, les poissons ne sont pas pour autant l’assurance d’un risque zéro pour nous autres, les humains. Les saumons et autres brochets ne craignent pas la « contamination fécale ». Mais le Pseudomonas, les staphylocoques ou l’Escherichia coli, rejetés dans le fleuve en même temps que les eaux usées de tout Paris sont autant de méchantes bactéries responsables de gastro-entérites, d’infections urinaires, de méningites … « La Seine compte des dizaines de milliers de germes et de bactéries par litre d’eau, explique Jean Duchemin, chargé de mission eau et santé auprès de l’Agence de l’eau, on peut donc y nager, mais sans boire la tasse, ni mettre la tête dans l’eau … Ce qui me paraît assez compliqué

Le bain de minuit dans la Seine est donc risqué. Pas de mutation génétique spectaculaire ni de mort subite, mais ces bactéries peuvent entraîner selon l’Agence Régionale de Santé « des pathologies liées à la sphère ORL (otites, rhinites et laryngites), à l’appareil digestif, aux yeux ou à la peau ». Les germes potentiellement présents dans l’eau peuvent également se transmettre à l’homme par voie indirecte, à cause de plaies ou de lésions cutanées.

Et en 2030 ?

L’on pourrait croire que les avancées technologiques et écologiques nous permettront de barboter allègrement dans la Seine dans quelques dizaines d’années. « Mais les stations d’épuration de l’agglomération n’ont pas été conçues pour désinfecter et éliminer toutes les toxines et les bactéries. Cela couterait très cher, et ce n’est pas au programme pour le moment car il n’y a aucune obligation réglementaire en ce qui concerne la pollution bactériologique », assure Jean Pierre Tabuchi.

La baignade dans la Seine est toutefois envisageable de façon ponctuelle, mais la qualité de ses eaux est très fortement soumise au bon vouloir de la météo, car lorsqu’il pleut, les égouts débordent, les eaux usées et les eaux de pluie sont directement déversées dans la Seine, sans traitement. En plus des millions d’euros à investir dans les stations d’épuration. « Dans une région aussi urbanisée, il faudrait retravailler sur le réseau souterrain d’écoulement des eaux de l’agglomération, qui est un réseau unitaire, puis surveiller de très près les taux de pollution, cela parait complètement illusoire », conclue Jean Duchemin.

Se baigner dans la Seine n’est donc envisageable que s’il fait très beau, plusieurs jours d’affilé. Autant dire pas souvent. Continuez de rêver, amis Parisiens, car aussi longtemps que vous continuerez de tirer votre chasse d’eau, jamais on ne se baignera dans la Seine.

Emilie Rosso

En savoir plus :

Etude sur les bactéries présentes dans la Seine conduite par l’ONEMA (pdf)

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